La gamification en entreprise selon Daniel Paire, CEO d’Happy Scrum          
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L'école de la double compétence
Technologique et manageriale

L’art de la gamification en entreprise selon Daniel Paire, CEO d’Happy Scrum et intervenant à Ionis-STM

Pour permettre à ses étudiants d’acquérir une double compétence technique et managériale, Ionis-STM fait appel à de nombreux intervenants issus du monde de l’entreprise. Parmi ces derniers se trouve Daniel Paire. Intervenant auprès des étudiants du cursus MBA afin de leur enseigner les notions de méthodologies agile, de finance et de gamification, ce professionnel est également le CEO et cofondateur d’Happy Scrum, une entreprise qui rend plus ludique la réalisation de projets et renforce le bien-être des salariés.


Daniel Paire


Comment décrire Happy Scrum ?
Daniel Paire : C’est l’une des composantes de ce que je nomme l’Happy Team. Dans cette Happy Team se trouve donc Happy Scrum, qui s’adresse aux sociétés purement informatiques, Happy Learning, qui est destinée aux écoles et Happy Users, qui concerne les sociétés non informatiques. Le concept est assez simple puisqu’il tend à corriger les petits défauts que l’on peut retrouver dans les entreprises ayant recours à Scrum, à la méthode agile et au scaling, c’est-à-dire un processus qui demande à montrer régulièrement des choses à ses clients, que ce soit des avancées ou de nouvelles propositions. En effet, la méthode agile peut très vite devenir ennuyeuse et ne prend pas vraiment en compte le bien-être des personnes. Happy Scrum résout cela en mettant en place toute une série de mesures.

Qu’est-ce que Scrum ?
C’est une façon de travailler sur ce qu’on appelle un sprint, lui-même étant basé sur des users stories (récits utilisateurs qui permettent tout simplement de définir un besoin. Par exemple, si mon utilisateur souhaite un bouton de connexion, cela représente une user story et un premier besoin. Avec Scrum, on va mettre un certain nombre d’user stories, par exemple 6 ou 7, correspondant à la vélocité ou capacité de travail de l’équipe, soit le maximum de choses qu’elle est capable de faire en 15 jours – la durée préconisée est de 80 % du temps par les entreprises qui utilisent Scrum. Scrum va ensuite être séquencé en plusieurs rituels : le daily meeting (le rendez-vous matinal permettant aux membres de l’équipe de dire ce qu’ils ont fait la veille et ce qu’ils feront aujourd’hui), le backlog refinement (là où des personnes comme le Product Owner, soit le responsable du métier, vont définir les users stories que l’équipe doit réaliser) et le sprint planning (qui voit l’équipe donner une estimation de charge à chacune de ses users stories). Une fois la capacité de travail de l’équipe atteinte, le sprint est prêt et l’on ne rajoute plus d’user story. Tous les 15 jours vient ensuite le moment de la review où l’entreprise présente ce qui a été fait au client. En interne, il y a aussi la rétro, qui permet à l’équipe de pointer ce qui s’est bien passé et ce qui n’allait pas afin de prendre des actions en conséquence.

Que change Happy Scrum ?
Plusieurs choses ! D’abord, il change la façon de piloter les projets. Jusqu’à présent, celle-ci ne se faisait qu’en se basant sur la vélocité. Le problème, c’est que cela mettait une forte pression sur les épaules des équipes et ne faisait pas en sorte que les gens se sentent bien dans leur travail. On pourrait comparer cela à un étudiant qui, à trop se focaliser sur ses notes, en oublie l’apprentissage. Avec Happy Scrum, on a décidé de garder cette notion de vélocité tout en la mettant de côté. Pour cela, nous avons mis en place un framework (ou façon de travailler), un suivi et des questions tournés sur le bien-être afin d’améliorer en continu le bonheur des équipes et de chacun de ses membres. On se base sur la psychologie, sur des notions de motivation et beaucoup d‘autres formes diverses permettant d’agir quotidiennement avec les principaux intéressés.
Il y a ensuite une composante essentielle : la partie gaming. En effet, avec Happy Scrum, nous créons des jeux spécifiques au travail et à des situations précises afin de renforcer le bien-être des équipes et rendre Scrum justement plus attrayant au fil des mois. Pour chaque rituel, nous avons prévu des jeux et en proposons de nouveaux quotidiennement. Et pour les sociétés souhaitant s’y intéresser comme les écoles ne bénéficiant pas de beaucoup de moyens, nous avons lancé une plateforme où l’on peut simuler l’entièreté d’agile pour travailler à distance et en équipe. Cette plateforme offre le contenu digitalisé de l’ensemble des jeux et du suivi du bien-être.



L’aspect gaming est capital en entreprise selon vous ?
Oui. Comme la gamification implique tout le monde, elle signe la fin des réunions ennuyeuses où la plupart des participants somnolent. Grâce à elle, chaque personne a un rôle à jouer, ce qui la pousse à s’intéresser à ce qu’il se passe. La gamification incite également à libérer la prise de parole. Par exemple, l’un des jeux d’Happy Scrum consiste à décrire les relations que l’on a eu au sein de l’équipe par le biais d’une affiche de cinéma : cela permet de dire plus de choses, d’éviter les sentiments d’agressions et de donner lieu à des messages très souvent positifs. Cette approche participe grandement à la bonne ambiance et au team spirit.
Mais les avantages de la gamification peuvent aussi concerner les écoles ! Par exemple, pour enseigner la méthode agile aux étudiants, j’utilise tout une série de jeux qui permettent de cibler précisément les problématiques auxquelles peuvent se confronter les différents rôles au sein de l’entreprise. Les étudiants apprennent beaucoup de cette expérience : ils comprennent alors les difficultés et besoins inhérents à telle ou telle profession. L’approche les séduit d’autant plus qu’il s’agit souvent de digital natives déjà habitués à l’usage des jeux vidéo et réseaux sociaux.

Combien d’organismes font aujourd’hui appel à Happy Scrum ?
Nos clients sont très variés. Nous avons une quarantaine de start-ups, mais aussi des grands groupes comme la BNP Paribas et Total qui, à eux deux, représentent déjà plus de 250 utilisateurs. Nous collaborons également avec des écoles (Ionis-STM, HEC…) et d’autres entités, comme l’Hôpital Necker pour qui nous travaillons sur des « parcours clients médicaux ». Certaines entreprises nous font également des demandes afin d’animer des journées entières de jeux.

Comment créé-t-on un « jeu d’entreprise » ?
Selon moi, cela doit se faire en plusieurs étapes. Tout d’abord, il convient de connaître le ou les mondes susceptibles d’intéresser l’équipe concernée, mais aussi ce qu’elle veut faire, pour ensuite créer un framework et la faire entrer dans le jeu. On peut par exemple imaginer leur demander de s’identifier à l’un des sept nains de Blanche Neige afin de directement connaître leur humeur du moment et leur ressenti quant à leur position dans l’équipe. Par la suite, il faut être en mesure de générer des données, ici de la parole et des idées. La troisième étape consiste alors à trouver un moyen permettant de récupérer ces données. La quatrième étape porte sur le fait de traiter ces données et d’apporter des solutions. Enfin, la cinquième et dernière étape correspond au fait de finir le jeu : c’est important de terminer sur une note positive incluant une notion de victoire, de récompense.

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