Qui dit « double compétence », dit aussi « double vitesse » - Ionis-STM          
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L'école de la double compétence
Technologique et manageriale

Qui dit « double compétence », dit aussi « double vitesse »


À Ionis-STM, les intervenants sont tous des professionnels aguerris, présents pour partager leur expérience du monde de l’entreprise avec les étudiants, du Bachelor à l’Executive MBA.  Parmi ces intervenants se trouve Claude Imbert. Docteur es Gestion des Organisations de l’Université de Bordeaux Montesquieu, ancien directeur financier et directeur général d’entreprises industrielles internationales, ce consultant et professeur en finance est également un expert de cette double compétence placée au centre de la pédagogie de l’école depuis plus de 15 ans. Dans cette tribune, il revient sur l’importance d’aborder cette approche métier essentielle et les évolutions que cette dernière impose.



Pourquoi la double compétence ?
Quel mode d’organisation ?
Quelle rémunération des individus ?
De l’individuel au collectif ?

Pour un individu, parler de sa compétence, technique ou managériale, à notre époque d’égalitarisme forcené revient à courir un risque, celui d’enfreindre une règle de plus en plus commune qui serait de « surtout ne pas faire de vagues », et ce même si l’auditoire auquel on s’adresse est bien choisi. Alors, que penser au sujet de ceux qui envisagent de s’engager et d’évoquer leur double compétence ?

Longtemps, le propos populaire « une affaire de spécialiste » résumant le succès de l’entreprise a été justement entendu sans connotation négative ou autres pensées bizarres. Rappelons-nous également que le « spécialiste » dont il est question, le plus souvent monovalent dans son savoir, n’est pas de nos jours ignoré, oublié, ou caché dans un coin de l’entreprise. Bien au contraire, il est entouré, voire courtisé ou associé à un autre porteur individuel d’une compétence identique ou cousine. Et, ces compétences individuelles ont été, et sont toujours largement reconnues : il suffit pour s’en convaincre de se remémorer les actions de communication faites autour des personnes lauréates de prix prestigieux (Nobel par exemple), de porteurs de médailles distinguées ou de salariés cités pour la qualité de leurs travaux dans l’entreprise.

Cette reconnaissance s’adresse le plus souvent au monde de la technique, même s’il est vrai que le monde du management est mis de plus en plus souvent à l’honneur. Ainsi, peut-on entendre ici ou là que telle personnalité est célébrée pour son sens du commerce ou de l’humain ou de la finance.

 

Alors pourquoi aller vers la double compétence ?

Cette évolution résulte des combats menés par nos entreprises, vis-à-vis de leurs concurrents et des défis de la société future qui portent en eux les germes d’un chemin vers la multi compétence, notamment grâce à l’arrivée de technologies annonciatrices de changement comme l’intelligence artificielle.

Pour aborder un environnement complexe, chaque individu optant pour un poste de responsabilité à valeur ajoutée doit, au-delà d’un savoir-faire technique ou managérial (on parle de silo de connaissances), disposer d’un autre bagage solide pour faire réussir concrètement et durablement la mise en œuvre de ces connaissances  et ce, que ce soit dans un laboratoire de recherche d’université ou d’entreprise, un fab lab, une start-up modèle années 70 (le garage) ou toute autre forme de vie d’entreprise.

La clé de cet autre bagage est un autre savoir-faire venant en complément : managérial ou technique et fondé sur un savoir-être (on parle de soft skills). Il a pour objet par exemple de développer l’intuition du commerçant vers l’ouverture de nouveaux marchés techniques, de permettre au marketing manager de conquérir de nouveaux clients de l’autre côté de notre planète grâce à son approche technophile, d’offrir à l’ingénieur les moyens de rencontrer humainement chaque collaborateur au-delà des critères de performance technique ou commerciale habituels, etc. En fait, et comme nous l’avait dit Auguste Detoeuf (dans son « Propos d’O.L. Barenton, confiseur, ancien élève de l’École polytechnique »), « ce n’est pas au pied du mur qu’on connaît le maçon, c’est tout en haut ». D’où le renforcement de cette dimension du savoir-faire.

 

Comment alors articuler chaque compétence pour aboutir à la double compétence reconnue ?

Il s’agit de mettre en œuvre une compétence individuelle ancrée dans un savoir technique, avec une compétence managériale/commerciale au profit d’une compétence collective de l’équipe… celle de l’entreprise servant son projet, son sens ou sa finalité.

Parler de double compétence revient à composer une roue de la performance (comme par exemple celle de Deming) à partir de quatre facteurs clés de réussite. Ceux-ci seraient la technique versus le management et l’individuel versus le collectif. La dynamique de cette roue du progrès développerait l’énergie forte d’une compétence technique enrichie par exemple par l’énergie plus faible d’une compétence managériale promouvant de la sorte le succès individuel vers une réussite collective.

 

Quel mode d’organisation des entreprises favoriserait l’intégration et l’évolution des individus porteurs de double compétence ?

La réponse intuitive est qu’il n’existe pas de modèle de base ou préétabli (pensé en haut et appliqué en bas), ni de solutions administrées par un livre ou copiables sur Internet.

L’organisation est plus spontanée, facilitant des interactions permanentes entre les acteurs, le porteur/manager et les apporteurs de capitaux. On comprend que le berceau naturel des personnes formées à la double compétence est l’entreprise organisée en mode projet. Pourquoi ? Car ces personnes sont des facteurs puissants d’accélération de la mise en œuvre des plans d’actions de l’entreprise. Elles ne sauront se satisfaire d’une entreprise trop verticalisée, étant plus attirées par celles à ligne hiérarchique courte favorisant la transversalité entre ses membres/équipiers.

Sera ainsi privilégiée l’entreprise reconnue pour son agilité, sachant mettre en œuvre rapidement une organisation de ses ressources et remettre celles-ci en cause tout aussi rapidement. Finalement qui dit « double compétence », dit aussi « double vitesse » dans un monde en accélération !

 

Quels modes de rémunération pour ces porteurs de projet instruits à la double compétence ?


On pourrait dire que chaque entreprise ou projet étant unique, le porteur comme les acteurs sauront inventer un mode particulier de rémunération. La loi malheureusement prédispose beaucoup d’aspects de cette liberté. En fait, mon expérience au sein d’un groupe international dont j’ai été le directeur financier (25 sociétés réparties dans le monde entier) peut être utile et servir de base à cette réflexion. À l’époque, j’avais mis en place un système de rémunération très efficace.

Il revenait à distinguer deux éléments formant la rémunération globale de chaque salarié en France. D’abord, un élément fixe déterminé par le marché du travail : le salaire annuel brut se rapportant à la compétence technique de base avec un plus pour s’approprier les meilleurs managers (profils à double compétence). S’y ajoutait ensuite un élément variable déterminé par le succès (conformité aux engagements pris) de l’entreprise, du laboratoire, du fab lab, du projet… L’indicateur de mesure de ce succès était la création de richesse (EBE ou EBITDA) à partir duquel une prime variable était calculée. Celle-ci était alors répartie de façon égalitaire entre tous les membres (hors les actionnaires ou commanditaires), de sorte à donner une part essentielle au collectif dans l’attribution de cette prime venant compléter la part individuelle de la rémunération. Ce complément de salaire représentait beaucoup pour ceux qui avaient un faible salaire fixe et peu pour ceux qui avaient un salaire fixe élevé. Cette répartition a été un élément fort de la cohésion de l’entreprise dont le taux de croissance a été, certaines années, vertigineux.

Cette entreprise a pu se construire sur cette base de reconnaissance humaine solide. Elle est aujourd’hui numéro un mondial des solutions intégrées dédiées aux entreprises utilisant des matériaux souples dans la fabrication de leurs produits. En s’adressant aux grands marchés mondiaux de la mode, de l’automobile, de l’ameublement ainsi qu’à une grande variété d’autres industries dont l’aéronautique et le nautique, cette société a développé dans plus de 100 pays des relations privilégiées avec des clients prestigieux. Elle emploie de nombreux salariés formés à la double compétence.

 

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